Je suis une adepte des Et si. Je revis
chaque moment de mon existence un million de fois, ce qui aurait dû, ce qui
peut-être, ce qu'il s'est probablement passé, ce que j'ignore. Je suis une
rancunière déguisée. J'imagine la vie sous un million de coutures, je regrette,
je fabule. Et je me pose beaucoup trop de questions.
Je repense souvent à ce jour-là. Je revis chaque
mot, chaque souffle coupé. Je revis la douleur presqu'aussi intensément. On
nous parle depuis toujours du Prince Charmant. On nous berce d'illusions, on
nous remplit d'espoirs qui seront tôt ou tard déçus. On nous conte le bonheur
jusqu'à la fin des temps. Mais on oublie de nous dire comme ça fait mal, un cœur
qui se brise, qui tombe en éclats de verres, déchirant notre cage thoracique en
lambeaux. On ne nous dit pas à quel point on peut avoir envie de mourir pour
que la douleur cesse. Non. On ne nous dit rien de tout cela. Si les gens
savaient ce détail, ils ne tomberaient jamais amoureux. Ils resteraient dans
leur coin à attendre que la vie passe, mais, et si c'était ça, la vie ? On omet
de nous dire que les princes, ils se lassent de la jolie princesse. Parce que
bon, faut l'avouer, elle est totalement névrosée, celle-là. Le prince est
convoité, beau parleur, puis, c'est un mec. Les hommes, ça aime les femmes. Et
elle est chiante elle, aussi, parfois. Alors il se détache. Et le prince, il
sait pas ce qu'il veut. Il a un peu peur, parce qu'il sait comment ça se
termine. "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants". Euh,
les gars ? On est obligés ? Nan mais j'veux dire, y'a la p'tite gueuse là-bas,
qui m'a l'air bien bonne et j'ai pas super envie de m'engager maintenant, moi.
On oublie de nous dire que la constance n'est pas dans la Nature. On les voit
bien, ces couples mariés depuis un milliard d'années qui ont l'air toujours
aussi amoureux, qui se tiennent la main comme s'ils avaient 20 ans. Mais on
nous dit pas qu'ils ont vécu mille tempêtes, on ne sait pas que les ouragans
les ont déchirés, que monsieur a trompé madame, et qu'elle a pardonné. Que
madame a quitté monsieur, et qu'il l'a attendu. Ils nous diront qu'ils se sont
battus, que lorsqu'on aime, on aime entièrement, avec les imperfections, et
qu'on combat ces fichues tornades. On nous dit pas qu'un cœur en morceaux, ça
se répare. Que le temps guérit certaines blessures. On nous dit pas la rancœur.
On nous dit pas les nuits baignées de larmes. On nous dit pas la haine
viscérale qui s'empare de tout notre être.
On ne nous raconte pas tout ça, pour qu'on ait
encore cet espoir, là, au fond de la poitrine. On veut donner aux gens l'envie
de vivre une belle histoire. Cette part de bonheur, ce morceau de vie, cet
instant infime où l’on s’est rendu compte de ce qu’était vraiment la vie. Ces
milliers de souffles coupés, de mots chuchotés, de mains entrelacées, ces nuits
à refaire le monde, à se découvrir, à se dévoiler.
Je repense souvent à ce jour-là. A ces mots qui ont défilé sous mes yeux. Je
repense souvent à cette décision. A ces jours en suspens, à ces instants hors
du temps. A ces batailles perdues, à ces nuits d’insomnie, à ces pages
noircies.
Il m’aura fallu une année entière pour être en presque-paix avec moi-même. Une
année pour renoncer à me venger. Une année à avoir peur. Parce que je suis de
celles qui croient encore à l’âme-sœur et à l’amour qui dure toujours. Une
année pour être heureuse. Pour réécouter ces chansons sans pleurer. Une année à
imaginer, à creuser un peu plus au fond de mes entrailles, à me faire du mal.
Une année pour me reconstruire un peu. Et, surtout, une année pour être sure de
mon choix.
Je veux faire partie de ces gens qui combattent les tornades.
Cette tornade-là, je l’ai mise à terre.
Ensevelie.
Détruite.
Anéantie.
Il y a un an, tu as détruit une partie de moi. Mais, au fond, je devrais te
remercier. Dans un an, je vais me marier. Alors, merci.
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