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mercredi 2 novembre 2016

6.


J'ai une mémoire blagueuse, joueuse. Je me souviens de détails que je voudrais oublier, flous, comme ces cauchemars qui te réveillent en sueur. Tu trembles, le souffle coupé, puis tu réalises après un moment que ce n'était pas la réalité. Sauf que là, c'est ancré. Ca tourne en boucle, quand tu ne t'y attends pas, toujours, quand c'est vraiment pas le moment. Alors, je ferme les yeux très fort en priant que ça s'efface, comme un cauchemar. 
J'ai la mémoire des dates. Précise, obsédante, redondante. Souviens-toi, c'était ce jour-là. Alors, ça tourne en boucle, les images, les voix, et ce poids dans la poitrine qui pourrait m'effondrer. Et ces voix qui me racontent l'histoire en permanence. Et tu aurais pu faire ça, et tu aurais du dire ça, et finalement, t'aurais mieux fait d'y rester, non, relève-toi, voilà. 
Je le sais, ça ne partira pas, c'est ancré dans mon âme, l'histoire gravée, profondément. Le temps n'y change rien, même avec toute la volonté du monde. On ne chasse pas les démons, on les apprivoise, voilà, endormez-vous, chuut, restez-calmes. On les supplie, parfois, pitié, laissez-moi un peu de répit, quand ils se réveillent, et qu'ils prennent toute la place. 
J'ai la mémoire des sentiments, des émotions, je ferme les yeux et je peux ressentir très exactement le vide, l'angoisse, la peur, la joie, le vertige, le soulagement. Précisément, douloureusement. 
Je me souviendrai toujours de ce que j'ai ressenti ce soir-là. Quand la douleur était trop forte et que mes cris ne suffisaient plus à évacuer la peur. Quand, un court instant, vidée, j'ai eu ce désir viscéral de stopper la souffrance qui prenait toute la place. J'ai mis du temps à me l'avouer. Il m'a fallut un temps infini pour réaliser. Mais je me souviens surtout de cet instant précis, où j'ai décidé que finalement, j'avais envie de me relever. De laisser tout ça derrière, comme un cauchemar de plus, dans ce coffre scellé dans un coin de mon placard à souvenirs. Un simple bleu à l'âme. Une simple cicatrice. Ca va aller, debout, tu peux y arriver. 
J'ai la mémoire vacillante. Parfois, je ne sais plus vraiment si c'est la vérité, si je fabule, si je dormais. Souvent, je préfère me dire que ce n'était que des cauchemars, des moments qui n'ont pas existé. C'est vrai, ils ont raison, et si j'avais tout inventé ? Et si j'étais excessive, peut-être ? Ca aide à avancer. Virtuellement. Sur l'instant. Un pas, tout petit. Et puis, c'est presque du sur place. Tu te trompes, ça n'avance à rien de te convaincre, tu le sais. 
Je le sais. 
J'ai pas eu le droit de connaître la légèreté, le bonheur parfait, les nuits tranquilles. C'est la peur qui a pris toute la place, tous les jours, toutes les nuits. Cette angoisse tellement immense qu'elle en est devenue une douleur, une maladie. Elle est là, avec moi, parfois amie, parfois fléau. Alors, parfois, mon esprit sort de tout ça. Il étouffe. J'en peux plus, je fais une pause, je reviens. T'en fais pas, je suis juste là. Je ne vois pas de quoi tu as peur, elle est belle, la vie. Regarde ces couleurs, ces sourires. J'ai peur parce que je n'ai jamais su faire autrement. J'ai pas eu le droit. J'essaye, de toutes mes forces, même si j'en ai peu, c'est juré. Mais la douleur se réveille. C'est comme ça. 
Mais, il faut avancer, rester debout, et se battre, chaque jour. 
Retrouver ce qu'on nous a dérobé, partir à la chasse au trésor. 
Bâtir le bonheur pierre après pierre. Est-ce que ce sera un Château ? Un Palais ? Un Royaume ? J'y vois bien des dorures, et du rouge, un peu. 
J'ai la mémoire joueuse, alors j'ai besoin de tout conserver, tout immortaliser. Faire le plein de belles choses, pour inverser le jeu, c'est moi qui gagnerai, vas-y, teste-moi. 

J'ai toujours peur de toi. 

Mais je n'aurai plus jamais peur de vivre. 

Désormais c'est ancré, au creux de mon coude. Une piqûre de rappel. Déjouer la mémoire. Souviens-toi, ce jour-là. Regarde le chemin que tu as parcouru. N'oublie pas, on se relève de tout, tu es forte. T'es une putain de guerrière. Arrête de te mentir, d'amoindrir ta peine, ta peur, tu as le droit. C'est en toi. Mais ne te laisse plus jamais chuter.  Ce ne sont quelques lignes de cette histoire, n'oublie pas d'écrire un meilleur dénouement. Ça va aller. Je te le jure.

N'oublie jamais : On ne perd jamais de temps à vivre. 


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