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mercredi 24 octobre 2018

Huit.


Je pensais qu'avec le temps, la plaie se refermerait. Rien qu'un peu. Une petite cicatrice, visible, mais discrète. J'y croyais. Je pensais qu'avec le temps, va tout s'en va. On n'oublie ni le visage, ni la voix, et la plaie reste béante.
Je pensais que mes obsessions passeraient, que je grandirais, que j'avancerais. Je me nourris de cette douleur comme une drogue. Je m'injecte le malheur par intraveineuse. J'exulterais presque si j'étais capable de ressentir des émotions positives. Je continue de tout foutre en l'air. "Tu te compliques la vie toute seule", oui, je sais, j'ai remarqué, si tu savais tout ce que je ne te dis pas, tout ce que je ne dis jamais. Alors je fais la grande fille, forte, je joue les guerrières avec mes grands discours de grande soeur qui sait quoi dire.
Mais ma pauvre tu es juste pathétique.
Je n'écris plus, je sais plus. Alors j'me retrouve comme une conne face à la page blanche avec ce besoin viscéral de vider mes pensées sans savoir comment les aligner. 
J'ai relu mes mots, mes peines, mes miettes de moi. La gifle, c'est pas de voir à quel point j'ai pu avoir mal, c'est de voir à quel point je peux encore avoir mal. C'est quelque part entre le mensonge, la fabulation, et ces émotions cachées. J'sais plus si j'ai mal ou si c'est par habitude, par besoin. J'sais plus si je guéris et que je me force au malheur, ou si je cache la plaie sous un bandage. Les bandages, ça part sous l'eau. J'suis pas sous l'eau, je me suis noyée. J'ai jamais su nager. 
Je pensais qu'avec le temps je saurais gérer, j'aurais appris à vivre.
On me dit que j'inquiète, que je me coupe du monde, que c'est pas normal, que je devrais aller mieux, que je m'enferme. Non, c’est pas normal, pardon, je suis désolée, je ferai un effort, puis je ne fais rien. Déjà-vu. Redondance. Elle n'apprend jamais de ses erreurs. Elle recommence. 
Je pleure, je fuis, je pars, j'aime trop, je pleure, je veux être seule, je veux danser, je bois, je fume, je mange, j'arrête de manger, je bois, je danse, je fuis, je m'excuse, je pleure, je recommence. Je passe d'une obsession à une autre comme si j'en avais besoin. Et je donne de grandes leçons sur la positivité, le bonheur, la résilience, le détachement. J'me nourris de ces pensées, de ces voix dans mon crâne. Elles sont toujours là, elles prennent jamais de repos. Je m'accroche à la moindre blessure qui pourrait me faire oublier cette plaie béante. J'aime trop. Passionnément. Obsessionnellement. J'en crève. Je remplace. J'aime trop. J'me détruits. Je remplace. Je mange. Je comble le vide. J'essaye de comprendre. Ce vide, là. Est-ce que c'est l'utérus ? L'estomac ? Le coeur ? Je m'accroche aux hommes pour combler un vide émotionnel laissé par l'absence d'amour paternel, je m'accroche à l'amour pour combler un vide émotionnel causé par ma déchirure de gamine. Je deviens folle. Je me déguise en guerrière. Je bouffe en cachette, et je bois beaucoup trop, j'utilise le sexe comme réconfort, un simple compliment pour me pénetrer. Alcool, sexe, drogue, médoc, nuits blanches, ça t'fait marrer, pauv' meuf. J'essaye de comprendre. Je n'affronte rien, ni mes émotions, ni mes sentiments, ni mes erreurs, ni ma peur, encore moins les souvenirs. Je ne sais pas gérer. Je ne contrôle rien. J'essaye de comprendre, j'me plante, je fabule, je m'embrouille. J'écoute toujours les mêmes chansons en boucle comme si elles m'apportaient quoi que ce soit, je relis les mêmes bouquins, je regarde les mêmes films, et j'me plonge dans les méandres de mes pensées, ces voix qui tournent en boucle dans ma tête. Ces voix qui n'ont jamais rien de bien à dire. Elles feraient mieux de se taire. Dites moi de jolies choses, plutôt. T'aurais pas dû t'louper, y'a huit ans. 
Huit ans. J'vais pas mentir, je me suis juré, mais j'ai jamais sû tenir mes promesses. J'envisage encore le vide, la fenêtre, les medocs, le crâne contre le bitume, la voiture. J'suis pas capable de vivre et parfois j'suis même plus capable de survivre, j'essaye juste de continuer à vivre. Avec ce vide, cette plaie béante, ces pensées, et cette putain de douleur à la poitrine qui me lacère l'âme. J'me fais peur, alors je balaye l'idée, je regarde mon bras. "Résilience". Résilience mon cul. J'tiens debout comme je peux, je blesse tous ceux qui osent m'aimer parce que je suis incapable d'accepter que je pourrais potentiellement être normale. Trouve-toi des excuses. 
Huit ans que je regarde autour de moi dans la rue, que j'ai peur, chaque jour, que j'ai mal, chaque seconde. Je cherche des diagnostics, je claque une fortune en médecins alors que je le sais, j'suis juste bousillée. J'essaye de comprendre, j'analyse, j'inspecte, j'introspecte, tout c'que tu veux. Je réalise que je supporte pas qu'on me regarde, qu'on me touche, alors j'me laisse toucher, caresser, je ne sais même pas ce que je cherche. 
Alors je me hais, chaque jour, chaque parcelle de moi, chaque sentiment, chaque émotion, chaque douleur. Je fous tout ce putain d'amour sorti de nulle part ailleurs. J'en sais rien. Je trouve même plus les mots pour comprendre. Ca valait la peine d'essayer. 

Est-ce qu'un jour ça passe ? Est-ce que le temps guérit vraiment tout ? Est-ce que j'arrêterai de tout déplacer, déléguer mes peines ? Est-ce que j'apprendrai à vivre ? A dire les choses ? 
Est-ce qu'un jour je serai plus cette gamine de huit ans ?

J'ai perdu espoir. Depuis longtemps.
Le malheur, c’est plus simple, c'est ce compagnon familier, cette habitude. C'est ce joli mensonge qui couvre l'envie de mourir. 
J'y arrive plus.
Alors je fais semblant.
Ca, j'y arrive bien.

1 commentaire:

  1. Moi aussi je suis fasciné par ce mal qui me détruit.

    J'ai longtemps eu envie de me séparer de lui, de le jeter,de lui crier à quel point il était destructeur. Puis je me suis menti, j'ai fais avec, je suis devenu quelqu'un d'autre. Une de ces nombreuses voix. Une de ces nombreuses pensées qui envahissent mon cerveau, qui parasitent mes choix, mes émotions et mes relations sociales.

    Et un jour on comprends que ce mal est sans doute nécessaire. Que cette malédiction est acceptable. Que cette complexité est... arf, si seulement les mots étaient à la hauteur ou si seulement ils existaient.

    Tu dois connaître cette sensation d'être la seule personne à pouvoir comprendre. Et oui, tu es la seule. Comme je suis le seul à comprendre ce que je te raconte.

    Il n'y a pas de solutions si ce n'est accepté cette façon sûrement inadéquate et inapte de se comprendre.

    Tu as du talent, et peu importe si ces voix ne te disent jamais rien de bien. Elles participent à créer ta particule de génie quand tu couches ces maux.

    Particule de génie, particule de chaos, la frontière est mince.

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