Le 12 juillet 2010, j'ai fais un
truc pas cool. C'était presque rien, une simple phrase, mais c'était ma petite
fin du monde. Cette petite chose que je m'interdisais depuis treize ans. Ce
secret que je ne voulais jamais dévoiler. C'était mon secret à moi, vous savez.
Cette petite chose qui me rendait un peu plus forte, parce que c'était à moi, à
moi toute seule. J'étais pas obligée de le dire, c'était là quelque part. Je
savais que c'était très fort, très important, et que le dire, ça changerait
tout. Alors je fermais très fort les yeux et j'essayais d'oublier. Je rangeais
ça dans une petite boîte, là, dans un coin de mon cerveau. Je crois que ça m'a
consumé un peu l'intérieur, je crois que la petite boîte a pris feu et qu'elle
a tout brûlé dans ma tête. C'est pour ça que je suis malade, en vrai. A force,
je me suis consumée de l'intérieur. Mais c'était pas grave, parce que ça avait
disparu. Parfois ça remontait, comme des flash, comme si un coin de mon crâne
voulait me rappeler, comme si des cendres de la petite boîte continuaient à
s'embraser, parfois. ça remonte à la surface et ça donne envie de gerber. Alors
je ferme les yeux très fort et ça part.
Sauf que le 12 juillet, j'ai dû ouvrir cette boîte. Pour de vrai. En pleine nuit, la phrase est sortie toute seule et j'ai changé le cours de ma vie. Je le savais. J'ai juste allumé la mèche. Aussi simple que ça.
J'ai pas très bien compris, c'est parti tout seul. C'était la dégringolade, la chute, j'ai rien senti venir, j'me suis pas sentie trébucher, je me suis juste laissée porter par le mouvement. Je n'ai même pas vu les semaines passer, j'ai pas très bien compris ce qu'il m'arrivait, mais ça arrivait, et je n'y pouvais rien. Un jour, j'ai arrêté de manger. J'en avais plus vraiment besoin, l'amertume prenait trop de place dans mon ventre. Je la noyais dans mon thé au Jasmin, mais elle restait là, elle gonflait, et c'est tout. Je pleurais beaucoup sans savoir vraiment pourquoi. Je m'allongeais dans ma couette à fleurs, je m'enroulais très fort et je pleurais. Un jour, j'ai arrêté de dormir ; à force d'avoir trop peur, je crois. Il y avait tous ces fantômes qui me tenaient compagnie, et toutes ces voix dans ma tête qui parlaient très fort, qui me disaient plein de choses pas chouettes du tout, et moi je les laissais faire. Je les laissais s'entre-tuer en espérant qu'elles disparaissent toutes seules, je pense. J'enfumais mon esprit pour qu'il soit encore plus flou, pour former un nuage dans mon crane, que tout arrête de s'entrechoquer et peut-être aussi pour foutre le feu à nouveau à la petite boîte, qu'elle disparaisse à nouveau. C'était comme dans la chanson : je ne travaillais plus, je ne déjeunais plus, j'voulais juste oublier, et je fumais. Je ne sais toujours pas comment j'ai fais, en fait. C'était plus moi et je ne le voyais même pas. Je me suis enterrée, seule. Je savais juste que ce n'était pas normal, tout ça, mais à aucun moment je n'ai tiré la sonnette d'alarme. Pourtant elle était là, tout près. J'ai pas mis de mot tout de suite sur ce qu'il se passait mais je savais que c'était grave. On me disait que j'avais perdu beaucoup de poids, on me disait qu'on s'inquiétait, on m'envoyait plein de messages auxquels je ne répondais pas, on me disait c'est rien, tu vas te relever, ça va aller, je suis là, enfin, je crois. J'avais mal à tout mon corps, alors j'ai dessiné un coeur sur mon poignet. Comme quand j'étais enfant. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Pour combler quelque chose. J'avais plus de battement, je ne sentais plus rien, le vrai coeur il était plus là alors j'ai dessiné celui-ci pour exister un peu, quand même. Pour avoir un sentiment, un tout petit. Pour prétendre que j'existais un peu, encore. J'arrivais plus à aimer, ni à haïr. Alors chaque jour, je repassais mon stylo sur ce tout petit coeur. Là, sur mon poignet gauche. Pour combler un peu l'absence de celui qui était parti, parce qu'il n'y arrivait plus. Parce que ça faisait mal de me voir comme ça, sans rien pouvoir faire. Je faisais mal aux gens en les éloignant de ma vie, je me faisais mal en existant. Je voulais juste que la douleur s'arrête, en fait. J'écrivais des choses très noires et même comme ça, rien, je n'ai rien vu. Je n'ai rien senti non plus quand j'ai vidé cette boîte de médicaments. Moi, je voulais juste que les voix se taisent, tu vois. Je voulais avoir un petit peu moins mal, moi. Juste ça. Rien de plus. Mais j'ai rien senti, j'ai juste.. Pleuré. Un jour, je suis partie. Je ne sais pas vraiment comment, je me suis relevée, j'ai pris ma voiture, et j'ai roulé. Je suis arrivée chez mon amie d'enfance, et elle m'a emmenée à la mer. Juste ça. Je crois que c'est là que j'ai eu l'envie de rester debout. Il y avait sa fille, cette toute petite fille qui chantait et dans ma tête, le feu s'est éteint. T'es un peu bête, Cátia. Pourquoi tu te fais ce mal, dis moi ? Oui. Un peu bête. La vérité c'est que c'est cette petite fille qui chantait des chansons d'amour dans la voiture qui m'a sauvé la vie. T'y crois, toi ? Alors, je me suis relevée, doucement, douloureusement. J'avais les genoux ensanglantés, un peu brisés, alors c'était dur, ça a pris longtemps. Je n'ai de souvenirs de l'automne 2010 qu'une ombre très pesante, un poids dans la poitrine, très sombre. Tout ce que je sais c'est que cet automne a tout changé, il a brisé quelque chose en moi. Puis, j'ai commencé à parler. Juste, parler. Vider mon esprit, vider tous ces fantômes, les faire fuir. Par la suite, j'ai recommencé à manger. J'avais perdu 10kilos, je ne tenais plus vraiment debout, et c'était pas les crises d'angoisse, c'était juste le poids de l'amertume qui ne parvenait plus à compenser le poids que je perdais à ne plus m'alimenter. J'étais très blanche, et je faisais un peu peur à tout le monde, à vrai dire. J'ai recommencé à manger et j'ai surtout fait un pas immense dans ma vie : j'ai été voir un psy.
J'aimais dire que j'étais ma
propre psy, que je n'avais besoin de personne, que mes cahiers faisaient
l'affaire, mais là, quelqu'un m'a dit "il faut te soigner". On a mis
un mot sur ce poids qui me foutait à Terre et je me souviens de la claque que
j'ai pris. J'ai brisé la promesse que je m'étais faite à 6 ans, de ne jamais
être triste au point de ne plus manger, comme maman. Je ne voulais pas que qui
que ce soit me voie aussi malheureuse, et j'avais brisé cette promesse. Et,
juste ça, ça m'a brisé un peu le coeur. Un tout petit peu. Juste assez pour
sentir le morceau tomber et foutre un peu de sang partout à l'intérieur.
Je me souviens que le 31 décembre
j'ai pleuré très fort. A ce moment là j'avais enfin conscience de tout ce qu'il
s'était passé et j'avais très hâte que cette année très noire s'achève. Cette
petite phrase que j'avais pu dire des mois avant avait tout changé, avait brisé
des vies, surtout la mienne. Je le savais. Mais je savais surtout que je
voulais que tout cela s'achève. Je voulais que l'on arrête de me briser.
J'étais même prête à faire renaître de pseudos-amitiés qui m'avaient également
foutues à Terre. (Et qui m'ont juste enterrées par la suite, mais soit. Je ne
suis pas un modèle quand il s'agit de faire de bons choix dans la vie.)
J'ai mis beaucoup de temps à me
relever. Beaucoup trop. Je ne saurais dire quand j'ai enfin réussi à tenir
debout sans béquille. A partir de là, dans mon cerveau, c'était pas la joie. Le
feu reprenait du service, et la fumée m'empêchait de voir la vie nettement. En
fait, à partir de là, j'ai plus vraiment été capable de vivre. J'avançais à
l'aveugle en priant pour ne pas chuter. Je trébuchais beaucoup trop, je vacillais,
Je faisais beaucoup de mauvais choix, comme ça, sur un coup de tête. C'était un
peu n'importe quoi et je ne le voyais même pas. Je pleurais beaucoup, beaucoup,
tout le temps, partout. Il y avait ce truc en moi, qui était toujours là, mais
qui se réveillait vraiment. Après, on a appelé ça "Hypersensibilité",
mais moi je sentais juste un poids supplémentaire, j'avais conscience que
c'était pas normal, ça ne l'avait jamais été, mais cette fois, je le savais. Je
ressentais les émotions beaucoup trop intensément, au lieu de m'effleurer, ça
me foutait une grosse baffe en pleine figure, ça me déstabilisait, je perdais
l'équilibre. Alors j'étais souvent par terre, et j'essayais de toutes mes
forces de me relever, de continuer le chemin. Et j'ai arrêté d'écrire. Ca s'est
fait tout seul. Mes mots se sont perdus, j'y arrivais plus. Comme s'ils étaient
bridés, ou comme si j'avais une profonde incapacité à sortir quelconque
émotion. Je crois juste que je ne savais même pas moi-même ce que je
ressentais. J'hésitais à tout, même à vivre. Les gens que j'aimais quittaient
ma vie petit à petit, ils me blessaient, ils partaient, c'était un peu dur,
mais j'accusais le coup. J'arrivais plus vraiment à rire comme avant, je le
sentais. J'aimais bien être toute seule, c'était chouette, j'avais pas à
expliquer pourquoi j'étais triste. J'avais plus vraiment à faire semblant
d'être heureuse. Avant, je disais que je jouais à faire semblant, sauf que
c'était plus un jeu, j'avais plus envie. Alors, je restais toute seule. Et
c'était bien, comme ça.
Puis, on m'a encore blessée. Pas
de la petite blessure, non, celle qui brise le coeur, à tel point que tu le
sens se briser en mille morceaux dans ta poitrine. C'est bête, parce qu'il
avait réussi à y reprendre sa place. Mais c'est comme ça. Ça devait arriver. A
force de jouer avec l'amour, il fini par exploser. Parce que notre amour, il
était comme ça, on allumait la mèche sans cesse en espérant qu'il n'explose
pas, jusqu'à ce qu'il me laisse là, seule avec mes morceaux de coeur, avec
toute ces miettes d'amour à ramasser. Il y avait toutes ces chansons qui
faisaient pleurer, et cette boule de larmes, constamment dans la gorge. Ou
était-ce de la rage ? Ça faisait mal parce qu'il m'avait relevée. Même s'il
avait un peu fuit, même s'il fuyait souvent, à vrai dire, il m'avait aidée à me
relever. Il était là, il me tenait la main, il me relevait quand je chutais, à
sa façon. Quand il était près de moi j'avais l'impression de vivre enfin. La Terre pouvait s'arrêter de
tourner, ça allait, il était là. Il me faisait croire à toutes ces choses, et
moi je plongeais dans cet amour dégoulinant qui me rassurait un peu. Mais il
est parti. Comme ça. Et j'ai chuté, juste un temps, juste un peu. Au fond de moi
il y avait ce petit truc, une pointe d'espoir, je pense. Et une envie dévorante
d'apprendre à vivre enfin. Il est revenu, bien sur, mais moi j'avais appris à
aimer vivre. C'est bête, un peu. Il s'est encore passé des choses pas cool. Le
mois de juillet ne me réussi vraiment pas, et on m'a encore fait trébucher.
Sauf que quand on me fout à terre j'arrive pas à oublier. Mon cerveau
continuait à déconner et j'arrivais plus à avancer. Je stagnais avec cette
plaie béante et je crois que je m'en servais comme prétexte. Parce que c'était
plus facile d'en vouloir à quelqu'un que de m'en vouloir à moi-même. C'était
plus facile de mettre sur le dos d'une personne tout ce malheur immense que je
portais. Je crois que je cherchais juste un coupable, et qu'elle a pris cette
place. J'ai mis toute la colère de ma vie en elle. Je sais que j'ai été parfois
excessive, je sais que mon obsession n'a aucunement lieu d'être ou du moins,
pas aussi fort, pas comme ça, pas aussi longtemps. Mais il y avait cette fille
qui avait participé à ma mise à mort et la boule de rage a fini par exploser. ça
a tout emporté sur son passage, C'était plus fort que moi, la colère me
brouillait la vue. Et, encore une fois, j'ai pris la décision de me relever et
d'essayer d'avancer de toutes mes forces. Ça faisait encore plus mal, parce que
j'étais fragilisée, et que je n'étais plus la fille forte qui avance sans peur.
Je me prenais tout dans la figure, j'avais l'âme couverte de bleus, des coups
de la vie.
Alors, j'ai décidé de me tatouer
ce coeur sur le poignet. J'avais besoin de toujours me rappeler ce vide que
j'ai pu ressentir, j'avais besoin de toujours me souvenir pourquoi je suis
encore debout. J'avais besoin de pouvoir vivre même si mon coeur cessait de
battre. C'est pas grave, j'en ai un de secours. Il est là, sur ma peau, il me
rattrape. Il est pas en miettes, jamais. J'étais pas complète, j'avais changé,
on me le disait, on le sentait. Je n'étais plus moi. Je me plaisais dans le
virtuel, seule avec mon écran. Je rencontrais des gens fragiles que j'avais
envie d'aider, parce que j'étais incapable de m'aider moi-même.
Puis j'ai rencontré une nouvelle
psy. Une vraie, avec un grand bureau, avec une grande bibliothèque. J'avais
l'impression d'être plongée dans un roman vieux de plusieurs siècles. Je me
sentais bien. Elle m'aidait beaucoup, à faire le point, à y voir plus clair. Elle
m'a énormément aidée, le temps que ça a duré (c'est à dire, pas longtemps). Mais,
j'arrivais toujours pas à trouver les mots sur ce que je ressentais, c'était
juste un vide immense que je complais comme je le pouvais ; souvent, avec mes
obsessions. Jusqu'à ce que la docteur mette des mots dessus. Des mots pas très
chouettes, mais qui hantent, depuis : Névrose Obsessionnelle à tendance Dépressive,
Hypersensibilité. C'est pas très chouette mais ça permet d'y voir un peu plus
clair, et d'apprendre à gérer ça. C'est pas tous les jours facile, mais je
m'adapte. En fait, je crois qu'il faut simplement que je mette des mots sur mes
maux pour pouvoir vivre avec. Je crois que je l'avais déjà un peu compris.
Parler m'avait guérie une fois, pourquoi est-ce que ça ne me guérirait pas
définitivement ? Je ne savais pas vraiment comment ça marchait, mais je
comprenais que je vivais avec ça depuis très longtemps et que chaque coup de la
vie le nourrissait. Comme un petit animal, là, à l'intérieur, qui se nourrit de
mes peurs. Et des peurs, j'en ai beaucoup. Un peu trop. Des peurs un peu
incohérentes, sorties de nulle part, et déraisonnées. Et lui, il est content,
il grandit bien, dans son environnement, nourri, logé, tranquille. Et je lui en
fournis toujours plus en me laissant aller à ses envies.
Puis, un jour, je suis tombée sur
un texte, au détours des internet. (C'est ici) C'était tellement fort, tellement
puissant, ça a eu un impact immense sur tout ce que j'étais, et tout ce que je
vivais. Il y avait cette femme, là, qui avait su mettre des mots sur ce que je
vivais et c'était une claque, un coup au coeur. Cette femme-là, que je
connaissais à peine, et qui lisait en moi, qui me transperçait de cette façon. C'était
pas normal, c'était un sentiment tellement inconnu, les larmes sont montées et
n'ont pas cessé de couler. Y'avait cette fille là qui avait le cran de dire
tout ça alors que je n'osais même pas me l'avouer à moi-même. Elle avait les
réponses aux questions qui me hantaient. Elle avait à peine 20 ans et elle
avait bousculé un truc en moi. Il y avait ce nouveau mot qui expliquait tout et
qui me retournait. Trauma. Trauma. C'est même pas un beau mot. C'est nul à
prononcer. Aucune mélodie. Comme une scie qui fait son aller-retour dans tes
boyaux. Trauma. Et là, tu vois tout. Tu comprends. Et tu sais que tu l'as
nourris, tu sais que t'en es prisonnière. Je crois que c'est ce jour là que
j'ai décidé que c'était fini. Ca m'a pris quatre ans. Quatre années de
mauvaises décisions, de larmes, de vide, de larmes, de questions, et de larmes.
Sauf que dans la foulée, je suis tombée malade. Encore. Et que je me suis
laissée chuter. Encore.
Ces dernières années j'ai eu une
amitié très forte, très fusionnelle. Une de ces amitiés à qui tu ouvres ton âme,
tu offres tout. Dans un sens, je pense que j'en avais besoin. J'avais besoin de
plus fragile que moi, j'avais besoin d'un pilier. Mes meilleures amies sont
parties, elles avaient leurs job, leurs vies, leurs amis, et j'avais peur de
les étouffer avec ma peur de vivre. Alors, il y a eu cette personne. Elle est
arrivée comme une bouffée d'air, c'était entier, c'était sincère. Du moins, je
le pensais. Sauf que j'ai commencé à manquer d'air. Je n'étais plus moi, mais
je continuais à me donner toute entière. Je voyais que quelque chose clochais
mais je continuais d'en avoir besoin. Puis, j'ai commencé à avoir envie de
guérir, puis j'ai réalisé que j'étais emprisonnée dans une relation anxiogène. Je
l'ai pas tout de suite vu, bien sur, je le sentais, un peu. Puis, je suis
tombée malade. Puis, elle a voulu partir. Elle m'a laissée, comme ça, pour des
broutilles. Et la vérité c'est que j'ai eu très mal. Je me suis enfoncée dans
la morosité de mon quotidien. J'avais pas de boulot, aucune envie d'avancer, et
cette douleur qui me prenait le bide, et elle est partie, en me laissant vide. Petit
à petit, j'étais devenue ce fantôme. A force de prendre des morceaux de moi,
j'étais vide.
A ce moment de ma vie, j'avais
besoin d'air. Je ne faisais rien, ne voulais rien, j'avais besoin de faire le
point. Après le texte, après ce mot, j'ai ressenti le besoin très profond de me
retrouver. de savoir pour quelle raison exactement j'étais encore debout. Pour
quelle raison la vie me faisait endurer tout ça. C'est pas vraiment humain, en
fait. Ce vide là, il m'a étouffée, d'un coup, je ne pouvais plus respirer. Je
suis restée à terre un temps, à nouveau. Moins longtemps. Et, je ne sais pas,
la maladie, ou autre chose, l'approche de mes 25 ans peut-être, j'ai eu un
besoin profond de continuer ce cheminement de recherche de moi-même.
Cette année, tout a changé.
J'ai décidé de changer mes
habitudes, de changer ma vie. Plus je me voyais me morfondre plus je comprenais
que ces dernières années je me suis laissée sombrer. Pour moi, l'automne 2010
était très loin, alors qu'il était encore là, il me hantait. Et pas que ça,
toute ma vie m'est revenue en pleine face. J'ai compris que c'était pas normal
qu'un enfant vive toutes ces choses, j'ai compris que je m'étais fait beaucoup
de mal, et j'ai compris qu'il ne tenait qu'à moi de changer tout ça. J'avais
deux possibilités : continuer de sombrer, jusqu'à tout perdre, ou reprendre ma
vie en main, et décider de mon bonheur. Puis, cette phrase m'est revenue. Une
phrase qui se trouve sur une carte postale que maman m'a donné un jour, enfant.
Une de sa collection. "A Felicidade nao se encontra, constroi-se".
Ton bonheur, c'est toi qui le construis. Personne d'autre. C'est de toi qu'il
dépend, de tes choix, de ton état d'esprit. Certaines personnes partent de ta
vie, c'est un fait. Elles laissent des traces, bonnes ou mauvaises. Certaines
personnes apparaissent. Suivent ce chemin, un peu, avec toi. Rien n'arrive par
hasard. Rien. Enfin, non. C'est idiot de ma part de dire ces choses là, presque
paradoxal. Parce qu'en toute honnêteté, quel est le but de vivre ces choses là
? S'il faut une explication à tout, si réellement rien n'arrive par hasard,
qu'est ce que la vie veut m'offrir, avec ça ? Des épreuves ? 25 années
d'épreuves ? Moyen. Mais, admettons. Rien n'arrive par hasard. Chaque décision,
chaque événement, chaque départ, chaque mot. Je me suis aperçue qu'en essayant
de voir les choses du bon côté, en essayant de positiver, il pouvait arriver de
belles choses. C'est dur. La douleur me prend les tripes. Je peine à avancer. Parfois,
même, je me demande si mon corps ne cherche pas à me rappeler ce trauma, juste
quand j'essaye d'avancer enfin. Tiens, souviens-toi, comme tu as mal. Tiens,
des images. C'est ça, le pire. Les images. Parce que la vérité, la vraie, c'est
que la douleur me déconcentre sans arrêt. C'est là que j'ai réalisé que je
faisais continuellement preuve d'une concentration extrême pour oublier. Mais
que la petite boîte, elle est toujours là, quelque part, tu vois. Et lui, il
est là, tendre, amoureux, il pose ses mains sur moi, et y'a ces images qui
occupent toute ma tête. Il suffit d'une petite douleur, et tout vacille. ça
prend toute la place. Alors je ferme les yeux très fort, et ça part. Alors,
souvent, je me demande. Est-ce que c'est ça ? Est-ce que c'est mon corps qui
tient absolument à se souvenir ? Mais, pourquoi ? Dans quel but ? C'est
vraiment une obligation, la souffrance ? Mais, la douleur, elle est là pour de
vrai, je l'invente pas. Parfois, je ne peux même pas marcher, rien, c'est pour
de vrai. Tout est vrai, mais j'essaye quand même de la taire, de la calmer, de
l'enfermer, elle aussi, dans une petite boîte. Je fais semblant de pas avoir
mal, et j'essaye de l'oublier. Et, parfois, ça marche. C'est comme si ça
n'avait jamais existé mais c'est toujours là. Alors, je viens à douter. Et je
réalise que c'est comme ça pour tout. La douleur est là, mais je fais semblant
tellement fort que c'est comme si ça n'existait pas, et je me demande : est-ce
que c'est vrai ? Et je vois cette femme vivre avec ses douleurs, les assumer,
en parler, et je suis admirative de sa force, elle m'inspire, vraiment, fort. et
je me dis : Tu n'as pas à faire semblant, c'est en toi, ça t'a forgée, tu sais.
T'as pas à faire comme si ça n'existait pas. Alors, d'accord, j'accepte.
Cette année, je me suis mise au
sport, j'ai accepté mon corps. C'était une victoire immense. J'ai appris à
m'aimer. Et je pense que rien que ça, c'est un pas immense. Ce corps blessé, abîmé,
je peux quand même l'aimer. Me regarder dans le miroir et ne plus voir la
gamine apeurée. Ne plus voir l'ado en larmes, les doigts dans la gorge. La
pauvre conne décharnée qui ne s'alimente plus. Je me regarde dans le miroir et
j'ai une fierté immense du chemin que mon corps a parcouru.
Cette année, j'ai appris à
positiver. A me dire que mon bonheur dépend de mon état d'esprit. J'ai appris,
donc, à avoir un état d'esprit adéquat. A sourire chaque jour un peu. J'ai
appris à dire de belles choses aux gens, et je me suis rendue compte que je
pouvais avoir une petite influence sur eux. On me dit souvent, en tout cas, que
je les fais sourire. On me dit qu'on m'aime et mon coeur s'emballe. On m'aime.
C'est énorme parce que toutes ces années je me demandais comment on pouvait
m'aimer, comment on pouvait supporter mes états d'âmes, mes larmes et mes
névroses. Je me suis rendue compte que mes meilleures amies avaient été là,
présentes, pour moi, chaque jour depuis 10 ans. Elles ont tout vécu, elles ont
pardonné, elles m'ont tenu la main, elles ont été près de moi même à distance
et je donnerais tout ce que j'ai au monde pour les remercier d'avoir été mes
véritables piliers. Cette année j'ai appris à aimer pour de vrai, mais aussi à
me détacher. Il y a eu beaucoup de cris, beaucoup de larmes, beaucoup de fins. Mais
c'est pas grave, c'est comme ça. Si une personne ne souhaite plus faire partie
de ta vie, c'est qu'elle ne mérite pas d'en faire partie. J'ai pas à regretter
quoi que ce soit, je suis aimée, et c'est pas pour rien. J'ai beaucoup appris.
Vraiment. Je sais que c'est pas fini, je sais que j'ai beaucoup de chemin à
faire, mais je sais qu'il y a eu un truc. Un petit quelque chose. Je ne saurais
mettre de mot dessus, mais quelque chose a changé. Comme si j'étais prête à
avancer, enfin. J'ai plus peur. Ce qui m'a le plus frappée, c'est que j'ai plus
peur d'être maman. Je ne comprenais pas, avant, comment réussir à l'être dans
un monde où l'on peut briser la vie d'un enfant. Puis j'ai compris que j'avais
ça en moi. Quoi qu'il arrive, je suis debout, j'ai cette capacité incroyable à
me relever de tout, même si ça prend du temps, alors je saurais protéger un
bébé, même deux, même trois. Je sais que je saurais le faire grandir sans qu'il
ne soit brisé. J'en ai l'intime conviction.
Alors, c'est encore dur, j'ai
encore mal, souvent. J'ai encore la scie dans les entrailles, je pleure encore
très souvent. Mais j'ai décidé que c'était pas grave, que je pouvais en faire
une force. Mon Hypersensibilité, au fond, c'est un don. J'en ai fais un don,
plutôt que de le vivre comme une plaie. C'est pas grave de pleurer, c'est pas
grave de tout vivre trop fort, au moins, je le vis. Je ne me contente plus de
me battre pour exister, non. J'ai appris à vivre. J'ai encore beaucoup de
chemin, beaucoup de travail je le sais. J'ai toujours ces images, j'ai toujours
peur de dormir la nuit, j'ai toujours ces douleurs physiques. J'ai toujours ces
images troubles, ces moments de néant. J'ai toujours ce blocage, cette
incapacité profonde à mettre des mots sur tout ce que je ressens, sur ce que
j'ai ressenti. J'ai un réel blocage quand à ce passé un peu trop difficile
alors que je dois y mettre des mots. Je reste à demi-mot. J'ai toujours cette
gamine de 8 ans apeurée au fond de moi. Je crois que j'ai juste décidé de ne plus
perdre une seule journée. J'en perds assez. J'en ai trop perdu. J'ai besoin de
vivre. Oui. Voilà. Besoin. Je réapprends tout de nouveau, c'est un travail de chaque jour, mais ça en vaut la peine.
On ne perd jamais de temps à vivre.
Je t'aime et je suis fière de toi.
RépondreSupprimerEn lisant ton texte, je me suis rendue compte d'une chose. Automne 2010, c'est la période où on s'est connues. Et, TU étais là pour me consoler. TU étais là pour me relever. TU étais là pour moi. C'est toi qui m'a appris que j'avais la force de me relever, même quand j'étais au plus bas. Et je me rends compte que j'étais égoïste, égocentrique. Je n'avais d'yeux que pour moi. Je ne voyais même pas que toi, tu n'allais pas bien. Tu avais été mon pilier quand toi tout s'effondrait. Et je suis encore égocentrique à parler de moi quand il s'agit de toi.
Tu sais, je suis vraiment fière de toi. Parce que tu as encore réussi à mettre des mots sur ta douleur, que tu as réussi à l'exorciser. Pour moi, être forte, c'est savoir utiliser ses faiblesses pour en faire des atouts. Et c'est ce que tu fais si bien depuis plusieurs mois. Tu brandis ton majeur à ton passé en lui montrant que tu es maîtresse de ton présent et de ton futur, qu'au lieu d'avoir peur de lui, tu vas t'en servir pour construire demain. Tu es forte, Cátia, n'en doute plus jamais. Tu es devenue une force de la nature confirmée, parce qu'avant tu en es étais une déjà. Tu ne le savais juste pas encore. J'ai envie de te crier un bon gros "high five mate" pour l'hypersensibilité. Au fond, elle m'a bien servie celle-là, parce que comme tu l'as si bien dit, elle me fait savoir que je suis en vie. Qu'on est en vie. Que nous ne sommes pas des robots.
Tu t'aimes, tu es fiancée à un homme qui t'aime, tu as des amis qui t'aiment, (moi aussi également, je t'aime). Et grâce à tout ça, tu te construis ta petite famille à toi. Quand on sait que tu n'as pas eu le meilleur des modèles, je trouve que tu t'en sors parfaitement bien. Que tu as su t'appuyer sur un modèle imparfait pour en faire quelque chose de douillet, qu'on chérit avec toi. Elle est encore là, la preuve de ta force. Tu ne t'es pas laissée abattre. Tu t'es battue pour avoir ce qui te revenait de droit. Et je t'admire.
Ouais, je t'admire. T'es devenue le genre de femme forte que j'aimerais devenir. T'es apparue dans ma vie au moment où j'avais le plus besoin d'une grande soeur, tu t'es pointée, tu m'as prise dans tes bras virtuels et j'ai su que tout irait mieux. T'es devenue mon modèle. Je ne parlais que de toi à la maison. Je voulais être Cátia, cette femme forte qui est d'un altruisme incroyable. Cette femme qui sait se battre, qui renvoie un crochet du droit à la vie la seconde qui suit le tacle qu'elle s'est pris par cette salope. Cette femme fière d'elle. Cette femme qui a appris à être heureuse. À aimer un homme, à ne pas avoir peur de ses amies. Je veux devenir cette femme.
Je suis fière de toi, et je t'aime.