Ça commence sans que l'on ne s'en
aperçoive . Une simple pensée. Une toute petite image qui
prend une place immense. Et c'en devient incontrôlable,
insupportable, ça prend à la poitrine, ça monte dans la gorge,
mais pourquoi ? Qu'est ce qu'il se passe ? C'est quoi ce
bordel, pourquoi j'arrive pas à chasser ces pensées ? C'est
redondant, quotidien, effrayant. Alors, les cauchemars, alors,
l'Insomnie. On se lie d'amitié. Reste là, s'il te plait, si je ne
dors pas, il ne peut rien m'arriver.. Enlasse-moi, protège moi. Ça
commence doucement, violemment, incontrôlablement. J'ai décidé de
ne plus dormir.
« Mais, vous savez, ce ne sont pas des
pensées normales pour une enfant de sept ans, vous en avez
conscience ? » « Ah ? J'en sais rien.. »
Ca commence doucement, ranger ses
peluches par taille, ses crayons de couleur par couleur, ses livres
par ordre alphabétique. C'est rien ça. C'est normal. Non ? Tu
parles toute seule ? Oui oui.. Non. Petit à petit les voix
s'installent. C'est le bordel. J'ai mille pensées qui
s'entrechoquent, je ne dis rien, je reste seule, je lis, j'écris, je
lis encore. Je tombe amoureuse. Totalement. Entièrement.
Obsessionnellement. Le mot est avoué. Et ces images dans ma tête
qui ne partent pas, et ces voix qui ne parviennent même pas à
s'entendre, CHUT ! Je range mes vêtements par couleur, je ne
supporte pas de manger avec de la vaisselle tâchée, je découvre ma
nouvelle meilleure amie, Migraine, on devient inséparables, elle me
met à Terre. Je pars, je créé une nouvelle vie, et m'en invente
mille autres. Les voix ne s'entendent pas, mais tant qu'elles ne font
pas trop de bruit, ça me va. Je suis toujours amoureuse, c'est
maladif, c'est pesant, ça occupe chacune de mes pensées, pour ne
pas avoir ces images là. Je fais le ménage en pleine nuit, je ne
supporte pas les aliments imparfaits, je range mes livres par genre,
auteur et taille, je collectionne tout ce qui est collectionnable, je
ne jette rien. Les voix ne s'arrêtent plus, elles me tiennent
compagnie, restez, je commence à vous apprécier. Je suis toujours
amoureuse, je découvre internet, je lis, je cherche, j'espionne,
j'ai ce besoin maladif de savoir. Savoir quoi ? Je n'en sais
rien ; juste, savoir. C'est pas normal qu'il ne m'aime plus. Je
m'invente des histoires, je me créé des mondes, je me ronge. Je
tombe amoureuse à nouveau. Cycle infernal ; je perds pied. Mon
obsession se déplace, la nourriture régit ma vie. Je noircis des
pages de son prénom, j'ai les mêmes chansons en boucle, j'attends
un signe de vie qui ne vient pas, il se fout de moi, j'ai l'air
d'aimer ça. Je ne dors pas, je nettoie, le lis, j'écris, je mange,
cercle vicieux ; cycle infernal. Je perds pieds. Je ne contrôle
plus rien, c'est fini. Ces voix prennent le dessus, mange, encore,
encore ! J'oublie, je perds la mémoire, je ne garde que les
déchirures. Alors, je les mets de côté, enfermées, non, vous ne
reviendrez pas, gardez vos images, je suis plus forte. Je mange. Je
cu+ltive mes troubles, les tranches de tomates doivent être égales,
la viande doit être parfaite, sans cassure, le blanc de l'oeuf doit
être bien cuit, s'il coule, c'est immangeable. Une tablette de
chocolat brisée est inconcevable. La crêpe doit être entière. Je
cultive la déception, aussi. Ce besoin de perfection me renvoie la
normalité à la face et, incontestablement, elle ne me convient pas.
Je tombe amoureuse. Lui. Et tout ce que ces années ont impliqué. Il
me sauve, il m'aide, il se moque de mes manies, il me détruit, il me
sauve, il apprivoise mes manies. J'ai fais attention de ne pas te
prendre un chocolat cassé. Tiens, choisis ton steack, celui-ci a
l'air mieux non ? La tartine est cassée, donne-la moi. Zut, le
sopalin s'est déchiré, je t'en coupe un autre. Il ne juge pas, il
ne comprend pas, il se contente de m'aider. Comme il peut. Sur ce
qu'il peut gérer. Je ne dors toujours pas, et les voix dans ma tête
prennent une place bien trop importante pour que je ne puisse les
ignorer. Elles sont mon quotidien. Elles regissent entièrement ma
vie, je ne sais plus comment faire. J'ai la mémoire qui me fout la
trouille, les souvenirs enfermés, et ceux qui prennent toute la
place, ceux qui donnent la gerbe, ceux que l'on veut oublier. Et
comment tu fais pour oublier une chose aussi horrible 10 ans, mais
savoir chaque détail de cette histoire ? J'en sais rien. Je
remplace, je comble, peut-être que cette douleur là prend assez de
place pour que je ne laisse aucune chance aux autres déchirures de
remonter à la surface ? Peut-être que j'ai besoin de cette
dose de malheur pour survivre ? J'espionne, j'invente milles
vies, la 007 des trahisons. Je lutte chaque jour, tu n'as pas besoin
de cachet, tout va bien, tu ne vas plus chuter, elle est partie,
relève-toi, ne pleure pas, tu es plus forte, tu n'as pas besoin de
cachet, relève-toi... J'y retourne, je regarde les photos, je relis,
je me ressaisis, je me réconforte, je chute, je relève la tête. Je
range, je lave, je regarde, je me souviens, je craque, je me relève.
J'ai mal. C'est ton choix. Je sais. Je regarde partout autour de moi
en marchant, j'invente mille autres vies, j'établis des scénarios,
je change de vie, j'ai peur, je me ressaisis. Je m'énerve, je
deviens aigrie, je nettoie, mais je vis.
Névrose obsessionnelle à tendance
dépressive.
Je ne peux pas dire que je te comprends entièrement, mais je me retrouve dans certaines choses que tu décris, et pour savoir qu'elles sont difficiles à vivre, je te comprends en partie. C'est dur de trouver des gens qui ne nous font pas de mal, encore plus dur de trouver des gens pour nous aider patiemment à nous reconstruire, mais ils existent. Et pour ça, ça vaut la peine de ne pas baisser les bras. On est qui on est, peu importe qu'on ait des troubles psychiques ou pas, ça veut pas dire qu'on n'est pas fréquentable, pas digne d'amour, de recevoir de l'aide. On peut se sentir mal dans sa peau mais aimer sincèrement par tous nos pores, même avec des blessures on est toujours des humains. Et ça fait du bien d'accepter la main qu'on (un proche ou la personne qu'on aime) nous tend ;).
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